INTERVIEW GILLES CHERON  22 OCT. - MEYTHET-HAUTE SAVOIE

1. L’HOMME

Je suis né le 19/06/1958. Depuis 40 ans Corinne et moi vivons « pour le meilleur et pour le pire ». Nous avons 3 enfants Adrien né en 1998, Jade en 2001 et Mathis en 2004. Ils nous procurent beaucoup de satisfaction, nous sommes heureux de leurs parcours très différents. Au plan professionnel, je suis retraité depuis 2022 après avoir travaillé 47 ans à l’hôpital d’Annecy où j’ai eu des responsabilités syndicales. Parallèlement je me suis beaucoup investi dans une association d’éducation populaire, de loisir et de vacances dans le monde du travail.

2. L'ARBITRE

Plutôt que de parler de carrière je préfère parler de parcours. J’ai eu une carrière professionnelle, j’ai fait un parcours dans l’arbitrage. Je commence en 1975 (comme pour le travail). A l’époque dans mon district je suis un « extra-terrestre ». Heureusement à la commission d'arbitrage je suis pris en main par celui qui reste « mon Ami, mon Maitre » : Jean COULON. Tout au, long de mon parcours, il m’a suivie, conseillé, tout cela avec une grande discrétion. Avec Jean nous avions, car maintenant il faut malheureusement parler à l’imparfait, des points communs, des valeurs communes. Puis en 1979 je suis nommé arbitre de la Ligue du Lyonnais, et en 1982 arbitre inter régional, puis pré fédéral 2, fédéral 2, puis fédéral 1. Et rétrogradé fédéral 2, 3 ans avant la quille. Au total je suis resté de 1982 à 2003 à la fédération.
Parallèlement j’ai eu des responsabilités à la CDA, la CRA et au CD de la ligue.

Chacune des promotions de mon parcours ont été gratifiantes. Je garde de merveilleux souvenirs que ma vie « hors arbitre » ne m’aurait pas permis de vivre. Les rencontres de grands joueurs et/ou entraineurs (A. Jacquet, Z. Zidane, D. Deschamps, Beckenbauer, Raï, Roller, L. Blanc, G. Roux, F. Sastre, J. Duby , Louis Nicollin) entre autres.
Avec des arbitres (J. Coulon, P. Casarin, P. Collina, G. Konrath, R. Wurtz, J.Quiniou, G. Vessière, M. Kitabjian, V.Giully, M. Vautrot, M. Dailly, B. Saules …) même si pour certains nous avons rompu nos relations.

- L’arbitrage de matchs « particuliers » : C’est difficile de choisir.

• 15/03/1989 : REAL MADRID / EINDHOVEN C1 ¼ finale retour avec M. VAUTROT (dieu vivant de l’arbitrage à l’époque) et Jean Pierre BLOUET, je suis à la touche dans le match « explosif » pour ma première sortie internationale. Pour l’anecdote, il reste quelques minutes, le REAL marque un but qui le propulse en ½ finale…. Un « petit savoyard » lève son drapeau, le but est refusé…. Prolongations. Heureusement, les images me donnent raison... Ouf. Suite à ce match M. Vautrot sera désigné pour la ½ finale à l’A.C. MILAN contre …. Le REAL !!!!

• 23/04/1996 : PSG / MARTIGUES D1. Avec Dominique Guillon qui à l’époque est en trio avec moi, nous accueillions Nelly VIENNOT qui restera la première arbitre assistante en D1. Le hasard, ou le destin voudra que je sois 4ème arbitre lors du match de champions league MOLDE/REAL MADRID le 4/11/1999 avec Gilles Veissière et Serge VALLIN, lors que Nelly sera une nouvelle fois première arbitre assistante en champions league !!!

• 23/05/2003 : ASSE / GRENOBLE D2. Fin de parcours. Le dernier match arrive, il a été précédé d’une « tournée des adieux » en D2. De merveilleux souvenirs qui nous fait dire (avec Pascal Parent) que nous étions appréciés, peut-être pas pour nos 2 premières mi-temps (quoi que nous ayons tenu notre rang), mais sans aucun doute pour nos personnalités, notre attitude, nos discutions. Dans les tribunes de très nombreux amis, collègues sont présents. Je suis accompagné pour la « der » par Pascal PARENT -qui se jour là stoppe sa carrière avant la limite d’âge- Jean Claude LEFRANC et Claude MEDAM. J’avais demandé à la C.C.A. d’être accompagné par ces Amis pour finir. Parmi ce public 3 personnes qui me sont chères, ma Maman, Corinne qui me voient arbitrer pour la première et la dernière fois et Adrien notre fils, 5 ans. Jade est trop petite pour être là. Adrien est venu dans les vestiaires avant le match, très impressionné, les larmes aux bords des yeux. Mais quand j’ai eu la surprise de le voir dans les bras d’un dirigeant de l’ASSE sur la touche avant le coup d’envoi pour venir m’embrasser les larmes avaient changé de bord.

- Evoquer les moments décevants ou désagréables

Il reste dans ma veille mémoire le souvenir d’une fin de match où j’ai vu en direct, la bêtise humaine, la haine, la violence, l’inconscience de dirigeants:
25/02/1990 NICE / METZ. Nice vient d’acheter à METZ Jules BOCANDE, magnifique attaquant. Jean Pierre BLOUET, arbitre au centre, exclut Jules. Fin du match… LA BRONCA, avec en vedette M. Mario INNOCENTINI, président de l’OGC Nice, personnage haut en couleur, très lié à Jacque MEDECIN maire de l'époque de Nice, dont on connait le parcours. Notre Président qui dans le couloir, hurle, vocifère, crie au scandale jusque dans nos vestiaires. Dans celui-ci je trouve un monsieur paralysé dans un fauteuil roulant, invité de Jean Pierre, qui dit au Président : « Président nous avons été mauvais ! ». Celui-ci devient fou, appelle la police pour expulser «l’individu» …. Moment de gêne des forces de l’ordre qui essaye de calmer M. INNOCENTINI qui m’obtempère pas. Le monsieur, de lui-même accompagné de son chauffeur garde du corps sort du vestiaire en disant : « Monsieur le président, vous ne me connaissez pas, mais je pense que nous risquons de nous retrouver prochainement. ». Nous sortons avec "le panier à salade", les barrières du stade sont fermées et le « monsieur en chariot », fait le nécessaire pour que nous puissions sortir. Heureusement qu’il était là.
Il nous invite au restaurant et lors de ce repas, j’ai appris que ce monsieur s’appelait M. FERRY, qu’il était Président du TGI de Nice et grand supporter de l’OGN Nice et qu’il devait prochainement présider une audience où ... M. INNOCENTINI serait entendu.

Dans un autre registre les crises de l’UNAF m’ont particulièrement marqué.

- L’arbitrage est-il une école de promotion humaine ?

Pour moi, l’arbitrage est une école de vie. C’est très formateur pour sa vie "civile". Personnellement ça m’a beaucoup apporté dans ma construction de l’homme que je suis. L’éducation « basique » je l’avais, par contre l’arbitrage m’a apporté : Le sang-froid, la gestion des conflits et des rapports de forces, la rapidité de décision, la prise de distance avec le « milieu », la rigueur dans la préparation, l’entrainement.

3. LE DIRIGEANT DE L’UNAF

J’ai adhéré à l’UNAF en 1976. Puis la confiance des adhérents n’a permis de prendre des responsabilités, Président de l’UNAF Haute Savoie Pays de Gex, Membre du Comité Directeur national, Président de la section régionale Rhône- Alpes, puis vice-Président national. Puis j’ai démissionné pour ne pas cautionner, des dérives, un système qui s’était établi. Ça m’a, humainement, beaucoup couté. On ne rompt pas avec des Amis sans que cela laisse des traces.

- Tes meilleurs souvenirs.

Il y en a énormément. L’UNAF c’est le club des arbitres. C’est comme « mon » club qui est toujours le même depuis 1976 le COC CHAVANOD. C’est le lieu où l’on se retrouve, où l’on s’en gueule, où bosse, on rigole…
Les congrès restent de merveilleux souvenirs, avec un temps de sommeil très réduit, où l’on retrouvait des Amis, en découvrait d’autres. Les TIBALDI, PETIT …
Et puis 1998 a été pour moi une année très particulière, la naissance d’Adrien (parlez-en à Pascal Parent, même s’il n’y est pour rien, ni dans la conception ni dans l’arrivée).
La coupe du monde, mais aussi le congrès de MORIZNE. Une équipe d’organisation, au top, qui a bossé +++ pendant 2 ans dans une ambiance remarquable, dans le sens de l’intérêt général. J’ai été très fier, avec André DELIEUTRAZ d’avoir été Co-Président de cette magnifique réussite grâce au travail de cette équipe rassemblée.

- Ton regard sur l’UNAF d’aujourd’hui.

J’ai pris beaucoup, beaucoup de recul mais je suis toujours adhérent, président d’honneur de ma section départementale, et de la section régionale AURA. 
Je fais confiance à Jean Claude LEFRANC -de même à Jean Luc COMACLE pour AURA- pour savoir fédérer et faire avancer l’UNAF qui a traversé des crises importantes. Les conditions, les engagements, l’environnement ont changé depuis que j’ai eu des responsabilités, donc je m’interdis d’être "un donneur de leçons". Par contre je donne toujours le message d’adhésion à l’UNAF.

4. GILLES CHERON ET LA VAR

Aurais-tu aimé bénéficier de la VAR et que penses-tu de cette technologie au service de l’arbitrage ?

NON. Lorsque j’étais encore en activité au « haut niveau », déjà, il était souhaité par différents acteurs du football une aide technique pour les arbitres. Nous nous étions prononcés favorablement pour une liaison audio arbitre-arbitre assistant, la gold-line, la vidéo UNIQUEMENT pour les actes dans la surface de réparation.
Il a été décidé de la VAR… Je regarde donc ça de loin. Par contre je ne suis pas sûr qu’il y ait moins d’erreur et que ça ait favorisé l’attaque (hors-jeu). Par contre c’est sûr que l’on parle beaucoup plus des décisions ou non intervention de la VAR que de celle de l’arbitre. Cela n’a-t-il pas « déresponsabilisé » les arbitres ? Enfin il faut arrêter de penser que l’e football, l’arbitrage sont une science exacte où tout peut être « maitrisé ». Ceux qui le pensent devraient, donc, ne faire aucune erreur dans leur recrutement, leur gestion, leur tactique de jeu… ou manquer de pénalty !!!

Merci Gilles pour ta participation à cet interview.